Plus que jamais, négocier la paix

Article de Nicolas Pierre, activist pour la paix chez intal

Depuis des mois, nous voyons la guerre en Ukraine se transformer en un conflit dans la durée, et aux conséquences dévastatrices sur tous les plans. Où que l’on regarde, les dangers s’accroissent, et les appels à un cessez-le-feu et à une négociation se multiplient.

Le camp qui semble avoir militairement l’avantage change de mois en mois, et l’incertitude domine dans les prédictions. Les ambitions et objectifs sont également peu clairs. Ils sont volontairement laissés dans le flou, tant de la part de la Russie (contrôler quel territoire, annexer ou établir un gouvernement pro-russe…) que de l’Ukraine et en réalité des Occidentaux (inclure ou non la Crimée dans l’Ukraine, quel statut donner à l’Ukraine par la suite…).

Lorsque un “effort est demandé” aux Européens pour “soutenir l’Ukraine”, l’objectif visé n’est jamais précisé, il est laissé à des formules vagues à interpréter chacun à sa sauce. Pourtant, l’intérêt des citoyennes et des citoyens européens ne diverge pas de ceux de la totalité du monde : faire cesser la guerre.

Or, seule l’escalade est sous nos yeux. Les attaques sont menées à des endroits et sur des cibles qui rendent le conflit plus dangereux encore, et la rhétorique de “détruire l’ennemi” domine sans que la raison ne puisse se faire entendre.

Naturellement concernant les Ukrainiens en premier lieu les conséquences sont catastrophiques. Pas seulement sur le coût humain de la guerre, mais aussi pour l’état de la démocratie en Ukraine, où la situation de guerre mène à des écarts de plus en plus graves. Ses infrastructures et de manière générale l’ensemble de son économie va être peu à peu détruite. En miroir, la Russie souffre encore relativement peu des sanctions, mais la militarisation de la société, l’exaltation nationaliste et les pertes humaines russes ne peuvent réjouir personne.

Pour le reste du monde, les conséquences sont économiques mais vont in fine être payées en vies humaines et en conditions de vie. En Europe, l’inflation et la montée folle du prix de l’énergie menacent toute la population comme l’industrie et le tissu économique. Les pays dits du Sud eux, en plus de ces conséquences, doivent affronter la crise alimentaire aggravée par la guerre en Ukraine.

Enfin, le danger le plus impalpable mais le plus effrayant, celui d’une guerre nucléaire, n’a jamais été aussi proche. Avec les menaces d’abord russes puis mutuelles, d’utiliser l’arme nucléaire, a fortiori sur le sol européen, la dimension du conflit change complètement. Rien au monde n’est plus important que d’éviter cette situation qui détruirait tout. Enfin, cette guerre nous fait reculer considérablement sur le terrain de la lutte contre le dérèglement climatique, et détourne nos ressources comme notre attention de ce défi central pour l’humanité.

L’humanité a déjà connu des tensions qui semblaient insurmontables. L’histoire des relations internationales et des conflits armés nous montre néanmoins qu’une sortie par la diplomatie est possible. Évidemment, on ne fait pas la paix entre amis, on la fait entre ennemis. Elle n’est pas facile, elle n’est pas tout tracée, mais elle est indispensable.

Dans des situations différentes mais tout aussi graves, l’URSS et les États-Unis, tout comme des dizaines d’États dans l’histoire contemporaine, ont négocié des cessez-le-feu et des accords, malgré la haine et la méfiance qu’ils se portaient, malgré les crimes et les injustices commis. Cela a eu lieu car une pression, interne à tous ces États, leur montrait une chose : on ne construit pas la paix avec la guerre, et rien n’est pire que la guerre.

Un certain nombre de choses ont déjà pu être obtenues grâce à la diplomatie. Rappelons-nous que c’est grâce à des négociations que l’on a pu trouver un accord (sous l’égide des Nations Unies et de la Turquie) sur la question du blé, mais aussi d’autres au sujet des échanges de prisonniers ou encore de la situation de la centrale nucléaire de Zaporijia.

Des experts y compris occidentaux, des organisations internationales comme les Nations Unies, et un nombre croissant de pays dans le monde tentent de créer une pression pour pousser à une reprise des négociations. Depuis le début, un certain nombre de pays majeurs conservent cette position, et des dizaines de Chefs d’État l’ont dit haut et fort lors de la dernière Assemblée Générale des Nations Unies. Il s’agissait également de la position du gouvernement italien qui proposait il y a quelques mois un accord de médiation.

L’Union européenne au contraire, en particulier la Commission via Mme von der Leyen, s’y oppose de toutes ses forces. Le Royaume-Uni a également fait pression contre un accord il y a plusieurs mois, lors des négociations qui avaient lieu via la Turquie entre Russes et Ukrainiens. Les États-Unis, seul véritable décideur dans le camp occidental, gardent une attitude maximaliste et bornée, bien que des voix se fassent entendre en interne.

Sans changer de cap en fonction de l’avantage militaire momentané de tel ou tel, Intal tout comme l’ensemble du mouvement pacifiste belge et mondial, a toujours revendiqué une position claire : une condamnation de l’invasion, et un appel à un cessez-le-feu et des négociations immédiates.

Au regard des pertes et des destructions sur le terrain, des conséquences pour le pouvoir d’achat et les prix de l’énergie en Europe et dans le monde, de la crise alimentaire que traverseront bientôt les pays du Sud, du défi climatique et du risque majeur de conflit nucléaire, une seule position est raisonnable et réaliste : négocier la paix.

Les mouvements syndicaux, citoyens et climatiques doivent s’unir autour de cette revendication. Sans en donner le menu ou exiger telle concession ou telle garantie, mais pour pousser l’Europe à œuvrer à des négociations qui permettent un arrêt des combats et des garanties de sécurité.

Plus que jamais, négocier la paix
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