Lettre ouverte de la Plateforme Defend The Defenders 2025

Lettre ouverte de la Plateforme Defend The Defenders au Ministre des Affaires Étrangères Maxime Prévot

Defend the Defenders : une large coalition de syndicats, d’ONG et de mouvements sociaux célèbre la solidarité avec les défenseur·euse·s des droits humains lors de la journée des droits humains.

Chaque année, le 10 décembre, nous célébrons les droits humains et celles et ceux qui les défendent, souvent au péril de leur vie. Il y a 27 ans, l’ONU adoptait la Déclaration sur les défenseur·euse·s des droits humains pour les protéger. Malgré tout, leur situation reste toujours préoccupante partout dans le monde, y compris en Europe. Partout, ils et elles continuent d’être ciblé·e·s et criminalisé·e·s.

Selon le dernier rapport de Civicus Monitor, presque 72.4 pourcent de la population vit dans des conditions de répression et selon Frontline Defenders, en 2024, 324 défenseurs des droits humains ont été tués dans le monde, alors que les arrestations arbitraires restent la normalité. Le dernier « Indice des droits dans le monde » de la Confédération Syndicale Internationale indique également que les droits des travailleurs se sont gravement détériorés à nouveau en 2024, non seulement dans les pays du Sud mondial mais également dans les démocraties occidentales, y compris la Belgique. Dans trois des quatre pays du monde, les travailleurs se voient refuser le droit à la liberté d’association et le droit de s’organiser en syndicats, pourtant un droit démocratique fondamental, garanti par les conventions de l’Organisation internationale du travail. Dans 72 % des pays, les travailleurs n’ont pas ou peu accès à un procès équitable. Dans un quart du monde, les dirigeants syndicaux sont confrontés à la violence physique ou doivent payer de leur vie leur action pour les droits des travailleurs.

En Belgique, alors que les appels de la population à agir face à la situation en Palestine se multiplient, des manifestations sont violemment réprimées, comme cela a été plusieurs fois le cas à Anvers ou Bruxelles et des activistes et organisations de la société civile font l’objet d’une répression accrue en raison de leur engagement. L’exemple d’Anuna De Wever en est révélateur : poursuivie par l’État belge pour association de malfaiteurs suite à une action de tag sur un entrepôt d’une entreprise d’armement liée à Israël. Bien que acquittée, cette procédure judiciaire ouvre la voie à un précédent dangereux. Elle s’apparente à une mesure-baillon destinée à intimider et faire taire celles et ceux qui dénoncent les violences infligées à la population de Gaza.

Dans ce contexte, le projet de loi Quintin, porté par le ministre de l’Intérieur B. Quintin et la ministre de la Justice A. Verlinden, représente une menace grave pour nos libertés fondamentales. Ce texte accorde en effet au gouvernement le pouvoir de dissoudre arbitrairement des associations qui « dérangent », sans qu’une décision de justice ne soit nécessaire.

Il s’agit d’une attaque directe contre la liberté d’association et d’expression, le droit de contester et de s’organiser (syndicats, ONG, collectifs citoyens) et l’État de droit, puisque le pouvoir politique s’arroge des prérogatives qui reviennent normalement au judiciaire.

En Équateur, le gouvernement a sacrifié l’accès à la santé, à l’éducation, aux services publics et les investissements dans les infrastructures sur l’autel de l’austérité imposée par le FMI. Par la même occasion, il a militarisé les rues et décrété 11 états d’exception, généralisant exécutions extrajudiciaires, disparitions, détentions arbitraires, perquisitions et persécution des opposants et défenseurs des droits humains. En septembre 2025, la hausse du diesel a déclenché une vaste mobilisation populaire menée par la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie) en collaboration avec d’autres secteurs sociaux organisés de l’Équateur (travailleur·euses, étudiant·es, femmes et syndicats). Ces mobilisations ont été vivement réprimées alors que l’on compte déjà 3 morts, 300 blessés, 172 arrestations et 15 disparus.

Aux Philippines, les leaders paysan·ne·s, les syndicalistes et les défenseur·euse·s des droits humains luttent sans relâche pour une vie digne mais font face à des menaces, à des arrestations illégales, voire à des exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de sécurité de l’État. Les personnes qui s’engagent pour défendre les droits des autres sont qualifiées de terroristes par l’État et souvent victimes de ce qu’on appelle le *red-tagging*. Cela signifie qu’elles sont à tort étiquetées comme communistes, et donc comme ennemies de l’État, ce qui, dans certains cas, conduit à des exécutions extrajudiciaires perpétrées par des groupes de vigilants. Depuis l’arrivée au pouvoir de Marcos Jr. en juillet 2022, au moins 119 personnes ont été exécutées extrajudiciairement.

Que ce soit en Belgique, en Equateur ou aux Philippines, il est urgent que de réelles mesures soient prises pour protéger les défenseur.euse.s de droits humains et faire écran aux gouvernements et aux tentatives privées ou politiques de stigmatiser ou criminaliser les défenseur.euse.s.

Les organisations de la plateforme d’action Defend the Defenders tirent la sonnette d’alarme ce 10 décembre et demandent au gouvernement belge :

  • Que la Belgique annule son avant-projet de loi La justice dispose aujourd’hui de tous les outils nécessaires pour juger les organisations ou individus agissant hors du cadre légal. Cette loi n’aurait pour conséquence que de court-circuiter le rôle du pouvoir judiciaire et remettre en cause la séparation des pouvoirs en Belgique.
  • Que la Belgique priorise la diplomatie et la solidarité internationale dans sa politique étrangère et renforce donc son service diplomatique plutôt que d’investir dans le militaire.
  • Que la Belgique mette en place des mécanismes de protection efficaces pour les défenseur·euse·s des droits humains en Belgique et dans le monde, que ce soit en renforçant le droit d’asile ou en garantissant la liberté d’action, afin que les mouvements sociaux puissent assumer leur rôle social en toute sécurité;
  • Que la Belgique, en lien avec le droit international, prenne toutes les mesures en son pouvoir afin de ne pas participer directement ou indirectement à des violations des droits humains dans le monde, particulièrement en Palestine, en RDC ou au Soudan;
  • Que la Belgique défende les défenseur·euse·s des droits humains, syndicalistes, écologistes et mouvements sociaux dans ses contacts avec les gouvernements du monde entier afin de mieux protéger les défenseur·euse·s des droits humains et les organisations sociales qui défendent les droits des couches les plus vulnérables de la population;
  • Que la Belgique renforce le devoir de vigilance des entreprises au niveau belge, mais également de l’Union européenne et des Nations unies afin que toutes entreprises responsable ou complice de violation des droits humains soit poursuivie et jugée en conséquence;

Organisations signataires :

CSC
FGTB
Intal
Jeune CSC
Jeune FGTB
Quinoa
Viva Salud
Vrede Vzw

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